Robert Mélidossian fait le bonheur des chalands en quête de souliers depuis 58 ans.
Robert Mélidossian fait le bonheur des chalands en quête de souliers depuis 58 ans.

Commerçant

Robert Mélidossian

Forain

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Voilà 58 ans que Robert Mélidossian fait le bonheur des chalands en quête de souliers.

Cours Foch, sur le marché du mardi, le stand de « L’Amour est dans le pied » voisine avec le manège. Le nom de son commerce ambulant est inscrit sur sa camionnette blanche, tout comme les villes et les jours où chacun peut trouver chaussures à son pied: mardi Aubagne, mercredi Saint-Rémy-de-Provence, jeudi Miramas, samedi Plan-de-Cuques, dimanche Pélissanne. Sur plusieurs étals sont exposés les pieds droits d’un large choix de bottines, sandales, mocassins, une présentation recomposée selon les semaines. « De la belle marchandise, lance Robert, et depuis des années. C’est ce qui fait que je suis toujours là ! »

Dans ce « toujours » se loge une vie entière de commerçant ambulant. Un métier qu’il connaissait par cœur avant même qu’il ne l’exerce à son tour. Son père, Vincent Mélidossian, était lui-même vendeur de chaussures sur le marché d’Aubagne. Longtemps le jeune Robert l’a accompagné, observé, admiré, avant de prendre le relais le 20 janvier 1963, une date qu’il renseigne avec la même précision que celle de sa naissance, un 26 juillet 1941. « C’est mon père qui m’a mis le pied à l’étrier, c’est lui qui m’a tout appris. » Sur ces grands théâtres de la comédie humaine que sont les marchés, il faut en effet maîtriser l’art et les usages de ce commerce en plein air : apprendre à porter loin sa voix pour attirer la clientèle, faire vivre avec doigté le jeu de la concurrence parfois étal contre étal, et comme tous les commerçants, sédentaires ou non, être à l’écoute, de bon conseil et quelque peu baratineur. « Sans tromper », précise bien Robert, s’appuyant là sur le sens désuet du terme: séduire par la parole.

Lui qui connaît certains clients depuis leur naissance ressent toujours la même gratitude pour ses fidèles. Celles et ceux qui, l’ouïe sollicitée par sa voix, le regard attiré par une matière, une forme ou une couleur, s’arrêtent régulièrement lui acheter une paire de chaussures, l’une pour la mère ou le mari, l’autre pour la sœur ou les enfants. Si Robert est « toujours là », il le doit aussi à son endurance et à sa ténacité, deux qualités qui semblent n’avoir pas fléchi chez ce tout nouvel octogénaire. Ne jamais manquer un rendez-vous avec la clientèle fait partie de ses règles cardinales.

Tout au long de sa vie d’homme, par tous les temps, il s’est levé avant l’aube pour remplir le camion, être à pied d’œuvre à 7h30 pour déballer la marchandise, avant de remballer les invendus à l’heure où d’autres déjeunent. L’après-midi, c’est le moment du réassortiment pour que tout soit fin prêt le lendemain. Fatigué Robert Mélidossian? « Un peu ». Mais pas encore prêt à raccrocher les gants.