Culture

Dictée Marcel Pagnol

Chaque année, l'association AD2C et la Ville d'Aubagne vous proposent de vous plier à l'exercice de la dictée sur un texte de l'Académicien aubagnais Marcel Pagnol.

Pour la 6e édition de la dictée Marcel Pagnol, Didier van Cauwelaert s'est encore une fois régalé à mettre à l'épreuve les participants. L'écrivain avait choisi cette année de complexifier un texte de l'académicien aubagnais quelque peu inattendu : son discours de réception à l'Académie française, le 27 mars 1947.

C'est comme toujours dans une ambiance à la fois joyeuse et studieuse, détendue mais sportive, que s'est déroulé l'événement organisé par Aubagne développement culture et création au sein de l'Espace des Libertés.

Durant la correction des copies, le lauréat du prix Goncourt 1994 a évoqué en compagnie de Valérie Dufayet ses deux derniers ouvrages "La vie absolue" (Albin Michel) et "L'insolence des Miracles" (Plon). 

Puis en fin d'après-midi est intervenue la proclamation des résultats. Les trois premiers de chaque catégorie ont été récompensés.

Bravo aux champions de l'orthographe, ainsi qu'à tous les participants qui ont relevé le défi !

DICTÉE 2023

DISCOURS DE RÉCEPTION DE MARCEL PAGNOL À L’ACADÉMIE FRANÇAISE (27 MARS 1947)

Messieurs, Le règlement et la reconnaissance m’imposent a priori de commencer ce discours par un profond remerciement. Mais ma présence parmi vous me paraît si saugrenue que je vous dois une explication, non pas de votre choix dont vous êtes seuls maîtres, mais des circonstances qui m’ont amené à solliciter vos suffrages. Certes, je ne feindrai pas la surprise, nul ne pourra m’ouïr balbutier en piquant un fard : « comment est-il possible que vous ayez pensé à moi ? »

Je sais bien que j’y ai pensé le premier, et je me souviens d’avoir écrit sans ambages, à l’adresse de Monsieur le Secrétaire perpétuel, une lettre par laquelle je me proposais à votre choix.

(fin de la dictée pour les plus jeunes)

C’est cette fanfaronnade que je vous demande la permission de justifier, telle une didascalie éclaircissant le comportement scénique d’un histrion. Nous étions au lendemain de la capitulation de l’Allemagne. Durant la guerre, l’Académie s’était juré de ne point réparer ses pertes. Craignant l’ingérence des puissants du jour, elle refusa de faire un choix qui n’eût pas été entièrement libre. Cependant, la Providence ne voulut point lui savoir gré de la dignité de cette attitude : sous l’Occupation, quinze membres de la Compagnie partirent pour un monde que l’on dit meilleur, mais qui, à cette époque, ne pouvait être pire.

Lorsque Monsieur le Secrétaire perpétuel ouvrit enfin les portes, il vit, alignées tout au long des murs de la cour d’honneur, une centaine de personnes qui, s’étant plu à venir postuler dès potron-minet, l’applaudirent à cor et à cri, puis s’avancèrent en rangs serrés. Effrayé par le nombre, il referma les grilles.

Je passais par hasard, Messieurs. Je vis cette longue file inénarrable où tant de plumes acérées, à mille milles de leur encrier d’attache, avaient jeté l’ancre de leur ambition, hissant à l’envi le pavillon de leur talent et de leurs mérites qui ralinguait au vent de l’espoir. J’allais repartir subséquemment, découragé par le poids de leur bagage littéraire, lorsque, miracle insidieux ou hallucination propitiatoire, j’entendis une voix sépulcrale susurrer dans mon for intérieur :

— Tu as vu, Marcel ? Il n’y a parmi eux aucun auteur dramatique.

C’est donc cette carence, et non mes hypothétiques vertus, qui, contre vents et marées, de Charybde en Scylla, m’incita de facto à briguer l’honneur qui m’échoit aujourd’hui.

Didier van Cauwelaert, d’après Marcel Pagnol.

 

Les lauréats de la dictée 2023

ll y a eu 20 copies pour les moins de 16 ans, 11 pour les initiés et 163 pour les amateurs soit 194 copies ramassées.

Les gagnants

Amateurs
1er - Nicole Dauxin
2e - Marie Luche
3e - Michèle Lancia

Initiés

1er - Gérard Deshours
2e -  Florence Ricard
3e - Marie-Pierre Granier

Moins de 16 ans

1ère - Garance Arnaud
2e - Louka Zaneze
3e - Baptiste Luche  

 

La dictée Pagnol 2023 - L'aftermovie

Texte de la dictée Pagnol 2022

Didier van Cauwelaert a choisi cette année un extrait issu de La gloire de mon père. Le jeune Marcel y explique sa fascination pour les mots échangés par son père et son oncle Jules. 

C’était la politique que mon père et mon oncle avaient élue comme sujet de conversation majeur. Le soir, à table, sous la lampe constellée de moucherons, balançant doucement mes jambes ankylosées, je suivais les querelles effrénées qui s’ensuivaient. Mais leur discussion ne m’intéressait pas. Ce que j’écoutais, à l’affût, scrutant la commissure de leurs lèvres, c’était (c’étaient) les mots. Car j’avais la passion des mots : en secret, sur un petit carnet, j’en faisais une collection, comme d’aucuns font pour les timbres.

J’adorais prolétaire, corrompu, faisandé, gougnafier, calotin, combisme et, surtout, prêchi-prêcha. Je me les répétais en maints endroits, quand j’étais seul, pour le plaisir de les ouïr.

- fin de la dictée pour les plus jeunes - 

Cet été-là, j’en avais collationné de tout nouveaux, qui étaient succulents : anathème, rad-soc (radsoc, rad soc), bélître, idolâtre, billevesée (s), thuriféraire, infâme… Ces deux dernières syllabes étaient, je l’avoue, les seules qui, en dehors de leur charme intrinsèque, avaient un sens pour moi. Cela dit, vu les circonstances de leur emploi et leur césure accentuée (« Ce petit père Combes est infâme »), je ne les avais pas associées à l’infamie, mais au déficit de virilité supposé du politicien honnis par oncle Jules. À l’entendre, être « un femme » paraissait encore pire qu’être une femmelette.

Cependant, ma mère et ma tante, lassées de subir sans mot dire les galimatias tendus de leurs époux s’affrontant à cor et à cri, faisaient assaut, quant à elles, de termes culinaires dont, par souci d’équité, je m’emparais à l’envi.

Du coup, la nuit, dans mes rêves, j’organisais des combats de mots. Des combats singuliers opposant arsouille et ris de veau, renégat et sabayon, ecclésial et maître queux, minus habens et sot-l’y-laisse, franc-maçon et frangipane. Puis je concoctais des échauffourées plurielles où s’affrontaient anticléricaux, gâte-sauces, va-t-en-guerre, pompes à huile, mencheviks et pets-de-nonne.

Chaque matin, je m’éveillais fourbu, tout courbatu (courbattu) par ces joutes verbales où, quelle que soit l’orthographe des vainqueurs, la grâce de leur sonorité rendait caducs fautes et manques d’accentuation. Mansuétude qui, mea culpa, me préparait bien mal à la dictature des dictées qui m’attendait (aient) au retour de notre villégiature.

Didier van Cauwelaert, d’après Marcel Pagnol.

 

Lauréats de l'édition 2022

Catégorie - de 16 ans (9 participants)

  • 1er > Louka Zanese
  • 2e > James Goldie
  • 3e > Camille Luche 

Amateurs (128 participants)

  • 1er > Alain Ricard
  • 2e > Armelle Steiner
  • 3e > Christiane David

Initiés (6 participants)

  • 1er > Florence Ricard
  • 2e > Gérard Deshours
  • 3e > Yvonne Esposito

Dictée de Marcel Pagnol 2022 à Aubagne

Cette année encore, l'association AD2C et la Ville d'Aubagne ont proposé aux amoureux de la langue française, l'exercice de la dictée, sur un texte de Marcel Pagnol complexifié à souhait par l'écrivain Didier van Cauwelaert.

Un rendez-vous plébiscité par le public, qui s'est déroulé en présence de Nicolas Pagnol petit-fils du célèbre académicien aubagnais.

• Photos : Manon Gary - Ville d'Aubagne

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