La Morochita

Bastide atypique par son histoire et son style, La Morochita étonne toujours les Aubagnais qui la connaissent...

Histoire de la propriété

D’une contenance de plus de 5 arpens (17 000m²) au XVIIIe siècle, cette propriété est née de la réunion en 1710 de deux domaines : l’un appartenant à François Jean et l’autre à Blaise Raud. Le cadastre napoléonien de 1811 fait d’ailleurs référence au quartier « les Raud », car c’est bien cette famille qui hérite de la fusion de ces parcelles. Au début du XIXe siècle, Mathieu Raud en est le propriétaire. Cette propriété rurale était alors constituée d'une maison de campagne de deux niveaux comprenant deux appartements avec une cave et un cellier abritant deux cuves, trois tonneaux et trois jarres à huile. La maison était entourée de terres complantées de vignes, oliviers et autres arbres fruitiers. Y étaient recensés deux loges à cochon, une aire à fouler le blé et un puits.

En 1814, Raud vend la propriété à Jean-Pierre Reverdit et le fils de ce dernier la revend en 1846 aux minotiers Lescot. Le recensement de la population aubagnaise note en 1857 la présence du couple et de 4 enfants, 1 domestique, 3 mulets, 2 voitures et 2 chiens de chasse. Le domaine, qui s’étendait alors sur près de 7 hectares, possédait aussi un pressoir pour le raisin et des tonneaux, ce qui laisse présumer de son activité à l’époque.

 

Après être passée entre les mains de différents propriétaires, la propriété est rachetée en 1911 par l’Argentine Louise Tondina qui lui donne son nom actuel : Morochita « la petite brune ». Selon la tradition orale, Louise Tondina, aurait épousé Alexandre Honoré BLAIN, un importateur de café marseillais d’origine aubagnaise qui avait fait fortune en Argentine. Elle est néanmoins divorcée lorsqu’elle rachète d’autres parcelles pour agrandir le domaine qui s’étend alors sur 16 hectares. C’est aussi elle qui donne à la bâtisse son aspect actuel en y réalisant de nombreux travaux.

 

En 1921, les époux Martini acquièrent la propriété qu’ils morcellent pour la vendre par lots. Seuls furent conservés la grande maison, le portail avec le nom du domaine et le droit de passage, le parc et la pinède.

 

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la bâtisse accueille une infirmerie et le corps de santé allemands. Après la guerre, la famille russe qui en est propriétaire depuis 1935 en fait une pension de repos ainsi qu’un restaurant. On pouvait alors y voir des clapiers, des poulaillers, des potagers, des vignes ou encore une pinède. En 1957, le domaine est acquis par la SCI La Pointe Rouge et la maison est habitée jusqu’en 1999. Le domaine est vendu en 2004 à la Ville d’Aubagne.

Architecture

La maison et les communs présentent une surface au sol de plus de 358 m2. Le jeu des couleurs et le mélange des matériaux participent au décor des façades et développent l’originalité et l’élégance caractéristiques de l’architecture de la villégiature.

La toiture à 4 pentes en tuiles canal est fidèle à la tradition provençale mais est également empreinte de fantaisie par sa forme aux larges débords supportés par des consoles en bois. En 1914, le corps central de la demeure est restauré et deux éléments sont ajoutés : la tour au nord et l’avant-corps polygonal où se trouve la pièce de réception – le salon – surmonté de la chambre de la propriétaire. L’ensemble concentre l’ornementation : agrafes moulurées aux ouvertures, consoles marquée soutenant le balcon en bois et le décor de lambrequins, le mascaron.

La tour montre, elle, le goût pour l’historicisme typique de l’architecture de villégiature. Elle abrite un escalier à vis permettant d’accéder à une terrasse ouverte en belvédère sur la nature, protégée par un garde-corps en claustra d’argile. A son entrée, l’auvent est flanqué de gargouilles en forme de dragons. Témoin de la tradition, le décor en argile est très présent en façade. Une frise de mosaïque de carreaux émaillés présente de délicats motifs floraux qui courent sous la toiture. Cette frise est interrompue au niveau de la porte d’entrée par l’initiale de la Morochita en lettre d’or sur fond bleu. L’auvent de cette porte présente des tuiles écailles polychromes vernissées.

La grande terrasse est orientée à l’est réservant de la fraîcheur pour les soirées d’été. Elle est bordée d’une balustrade (balustres carrées en poire) ouverte sur le jardin auquel on accède par un escalier à double rampe. Cette balustrade est ornée de lampadaires art nouveau au décor d’oranger (symbole de fertilité et de fécondité).

L'intérieur

Il ne reste que très peu d’éléments de l’aménagement intérieur originel. Quelques chambres à l’étage présentent encore des tommettes hexagonales ou des carreaux d’argile rose, les autres ont été rénovées au XXème siècle.

Le grand Salon offre encore son décor en gypserie au centre du plafond où l’on peut découvrir le profil de la Morochita. Fruits et légumes forment les motifs du cadre, rappelant les activités agricoles de la propriété mais également les origines exotiques de Louise Tondina. Un décor peint en faux marbre forme une plinthe interrompue par les ouvertures et par la cheminée à la romaine Louis XVI en marbre en mauvais état de conservation. Le sol est encore paré des carreaux de ciment qui étaient à la mode entre le second Empire et la 1ère Guerre mondiale.

La chambre de la Morochita présente au plafond un décor commun en stuc (staf), une cheminée Louis XV en marbre en bon état de conservation et des carreaux de ciment au coloris bleu, couleur assez marquée dans la propriété.

Deux autres éléments méritent l’attention : la salle de bain de style art déco à l’étage et le pressoir situé dans la cave semi enterrée et orientée au nord. Le pressoir conserve encore son revêtement en carreaux vernissés rouges facilitant le nettoyage et assurant une protection contre l’acidité du vin.

 

Le saviez-vous ?

  • A l’époque de Louise Tondina, les fermiers étaient obligés de faire monter tous les jours à un mât le drapeau de l’Argentine.
  • La légende raconte que l’époux de Louise Tondina adulait tant sa femme qu’il y a fait statufier son profil dans les stafs qui ornent la rosace du salon.
  • Mais tout cela n’est-il pas qu'un simple mythe ? Car Louise Tondina est née en 1871 à Gap de parents Italiens. Elle se marie en 1891 avec Alexandre Blain, mais divorce en 1905 avant de se remarier en 1916 dans la Somme avec Dieudonné Louis Morin. Elle meurt à Nice en 1952.