Professionnel

Alain Doux

Santonnier

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À Aubagne, les santons font l’identité de la ville. L'un de ses habitants, Alain Doux leur a voué une passion sans borne qui n’a pas fini de s’estomper.

Arpentant les allées du marché aux santons, Alain Doux a l’œil qui frise. Le septuagénaire est à la tête d’une collection ne dénombrant pas moins de 2000 figurines d’argile. « Depuis tout petit, mon père m’a transmis la passion » s’émeut-il. Une histoire de famille et de tradition provençale qui lui tient à cœur. Son tout premier santon, choisi avant même de savoir écrire est une Arlésienne à la pompe de la maison Marcel Carbonel. Une pièce rare selon lui et le santonnier lui-même, qui lui a confié un jour qu’il en existait seulement trois dans le monde et avoir perdu le moule. Pendant des années, il a tenté de récupérer cette pièce, mais en vain. « On ne touche pas à mon Arlésienne ».

Devenu pointilleux au fil de l’âge, il passe de longs moments pour bien les choisir. Ce retraité reconnaît avoir le temps de sa passion. Et même s’il répète à celui qui veut l’entendre qu’il n’a plus de place, il n’est pas rare de le croiser sur un stand, en train de faire affaire. C’est à croire qu’il n’en aura jamais assez. Sa passion, vient aussi de son admiration pour le travail des santonniers. Presque tous les jours, lors de ses balades, il se rend à l’atelier de Christian Chave, santonnier à Aubagne, pour le voir façonner, peindre, mouler… « Je trouve cela très beau la main de l’ouvrier, j’en serais incapable. » En passant près de son stand, il a un sentiment de privilégié « celui-là je l’ai vu être fabriqué » peut-on l’entendre. Il a d’ailleurs acheté un moule qu’il garde précieusement, non pas pour s’en servir mais comme pièce emblématique. Devenu son ami, le santonnier lui a même fabriqué une crèche cette année. Il modèle des santons avec différentes argiles blanche, rouge, noire qui leur donnent leurs couleurs, un travail technique et minutieux. Patience est le maître mot, environ trois jours sont nécessaires pour un seul santon.

Quand Alain Doux, les a vus au cours de l’été, il a « flashé, comme un homme flashe sur une femme ». Un brin rieur, il lui a suggéré d’en faire une crèche complète. L’idée n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Plusieurs mois de réflexion et travail après, Christian Chave l’a contacté « Tu la veux toujours ta crèche? » Elle était prête. Ni une ni deux, le collectionneur s’est empressé de s’offrir ces douze nouvelles pièces uniques. Sans regarder à la dépense, il a jeté son dévolu sur une nativité et plusieurs personnages emblématiques de la Provence: l’homme à l’ail, l’Arlésienne à l’éventail, la femme aux tournesols, le ravi… Fier de son acquisition, il se plaît à raconter au santonnier les réactions élogieuses de son entourage. Cette crèche-ci, il n’a pas prévu de la ranger au 2 février comme le reste de ses santons. Fragile et précieuse, celui qui trouverait tous les prétextes pour ne pas défaire et emballer a décidé de la garder exposée à l’année. En effet, si faire la crèche est pour lui un réel plaisir qui peut lui prendre plusieurs semaines, la ranger est une tout autre histoire.

Cet Aubagnais d’adoption espère que la tradition des santons de Provence perdurera et que de nouvelles générations de collectionneurs verront le jour afin de célébrer, toujours, le travail centenaire de ces artistes de l’argile.